Loi Avenir professionnel : quelles sont ses limites ?

La réforme de la formation professionnelle, nous la connaissons principalement à travers la création du Compte Personnel de Formation (CPF). La mise en place de ce dispositif donne la possibilité à toute personne de gérer individuellement ses droits et ses formations.

La loi du 5 septembre 2018 vise la « liberté de choisir son avenir professionnel ». Elle s’inscrit dans une volonté de renforcer le droit de toute personne, mais son succès repose sur la responsabilisation des salariés.

Cinq ans après la mise en place de la réforme, quelles sont les avancées sociales et les limites constatées par les salariés et entreprises ?

Le salarié, acteur de son parcours de formation

La loi Avenir professionnel renforce le droit à la professionnalisation de toute personne quels que soient ses caractéristiques sociodémographiques (CSP, âge, sexe, etc.) et le secteur d’activité dans lequel elle exerce son activité (industrie, secteur tertiaire, etc.).

L’objectif principal est de rendre le salarié acteur de son projet professionnel et/ou de formation. Un ensemble de dispositifs est disponible pour l’aider à construire et à mettre en œuvre son projet : bilan de compétences, congé VAE, conseil en évolution professionnelle, etc.

La création du Compte Personnel de Formation, en remplacement du DIF, vient compléter les moyens à sa disposition. Tout projet de formation relève maintenant de l’initiative exclusive du salarié / demandeur d’emploi.

Cette réforme est supposée lutter contre les inégalités d’accès à la formation professionnelle constatées :

  • Selon le secteur d’activité.
  • Selon la taille des entreprises.
  • Entre les salariés d’âge ou de sexe différent.
  • Entre les différentes catégories socioprofessionnelles.

Enfin, le CPF suit la personne tout au long de sa carrière professionnelle. Ce nouveau système garantit la transférabilité des droits sociaux acquis, sans rupture ni perte, en cas de changement de statut (changement d’employeur, de situation professionnelle, perte d’emploi, départ à l’étranger, etc.).

La réforme est une réponse logique d’adaptation à un monde du travail où les carrières réalisées dans une seule et même entreprise sont de plus en plus rares.


Zoom sur le CPF pour les Travailleurs Non-Salariés (TNS)

En tant que travailleur non-salarié, vous cumulez aussi des droits à formation !

Sont concernés les dirigeants d’entreprise, les travailleurs indépendants, les membres des professions libérales et des professions non salariées, ainsi que leurs conjoints collaborateurs.

Pour une année entière d’activité, votre compte est alimenté à hauteur de 500€ maximum par an dans la limite d’un plafond total de 5000€ (à la condition que vous soyez à jour de votre contribution à la formation professionnelle).

Aucune démarche particulière n’est à effectuer pour en bénéficier. En revanche, pour activer et utiliser ses droits, il faut créer en ligne un compte individuel. Pour ce faire, une seule adresse officielle : moncompteformation.gouv.fr

Faîtes-le, vous aurez peut-être l’agréable surprise de découvrir un petit pactole qui vous attend pour développer vos compétences !


Maintenir et développer l’employabilité des salariés, l’enjeu des entreprises

La loi Avenir professionnel retire-t-elle alors toute responsabilité à l’employeur concernant l’employabilité de ses salariés ? Aucunement.

Le Code du travail distingue deux obligations, nées de la jurisprudence, relevant de la responsabilité de l’employeur :

  1. Assurer l’adaptation de ses salariés à leur poste de travail :  leur permettre d’acquérir les compétences nécessaires à la tenue du poste de travail dans l’entreprise dans le cadre de leur qualification contractuelle tout au long de l’exécution du contrat de travail.
  2. Veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations, c’est-à-dire faire en sorte qu’ils puissent occuper un emploi différent.

Lors de la mise en œuvre de la réforme, les entreprises ont eu le choix d’internaliser la gestion du CPF (avec un impact conséquent sur leur management de la formation professionnelle). Ou de supprimer cette gestion interne et de rendre les salariés exclusivement proactifs quant à l’activation et à la mobilisation de leur CPF.

Quel que soit le choix de l’entreprise, les professionnels assument désormais un rôle de conseiller individuel. Ils orientent les salariés dans leurs décisions sans perdre de vue l’intérêt collectif et les besoins de l’entreprise.

Les limites de la loi Avenir professionnel

L’avantage pour le salarié est indéniable : toute personne peut décider elle-même de renforcer ses qualifications, développer ses compétences ou acquérir de nouvelles connaissances en vue d’une reconversion.

Mais cette loi soulève de nouveaux enjeux pour les entreprises sans débloquer tous les freins pour les salariés.

La formation professionnelle reste difficilement accessible à certaines CSP         

Concrètement, le salarié avait peu de formalités administratives à faire quand l’employeur prenait en charge la gestion de la formation professionnelle à travers le DIF. En supprimant cette possibilité de gestion interne, la réforme rend le salarié autonome pour assurer sa formation continue.

L’inconvénient majeur est de laisser une catégorie de salariés au bord du chemin. Les CSP les plus qualifiées sont également les plus à même de se renseigner sur les formations disponibles, et de réaliser les démarches nécessaires en autonomie.

Les salariés, peu familiers des outils digitaux, ont toujours besoin d’être accompagnés par leur employeur (s’ils en ont un) ou par des organismes externes (Pole emploi, CCI, Apec, etc).

Les efforts de simplification ne sont pas suffisants          

Parmi les points positifs, on peut saluer la plus grande lisibilité du système de financement, avec une contribution unique à la formation et à l’alternance. Mais la formation professionnelle reste un secteur très procédurier et bureaucratique.

Le travail de simplification et de digitalisation doit se poursuivre.

Un salarié se pose beaucoup de questions avant d’entamer un parcours de formation : financement, déroulement, certification, etc. Un accompagnement de chaque stagiaire est nécessaire avant, pendant et après la formation.

La formation professionnelle est-elle un outil au service de l’entreprise ou des salariés ?     

Comment les salariés s’approprient-ils leur compte personnel de formation ?

L’autre évolution phare de la réforme, c’est la monétisation du Compte Personnel de Formation. Le solde ne s’évalue plus en heures de formation, mais en euros. Et les salariés voient leur CPF comme un acquis social leur permettant de se former sans obtenir l’aval de leur hiérarchie.

Les employeurs doivent désormais assumer un rôle de sensibilisation des collaborateurs à l’activation de leur compte CPF et à l’utilisation de leurs euros. Les salariés sont plus réticents à la dépense.

Les formations ne doivent plus seulement répondre aux besoins de l’entreprise. Elles doivent également être en adéquation avec les appétences des collaborateurs, être compatibles avec leur projet professionnel.

Mais jusqu’où une entreprise peut-elle contribuer au développement des compétences de ses salariés, en sachant que les carrières uniques n’existent plus ?

Anne-Marie ARINAL Rédactrice chez Axial

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